PARIS, LE 23 JANVIER 2016
par ALEXANDER FURY
Hermès occupe une arène très spécifique du luxe : une place que beaucoup d'autres marques ont du mal à occuper. L'étiquette fait appel aux nantis et aux démunis. Les lots à désirer. Personne n'a besoin d'un manteau kaki dans un cuir de veau glacé qui craque comme de l'organza. Mais les gens le veulent. Beaucoup.
Véronique Nichanian est obsédée par ces notions, c'est pourquoi elle travaille si bien chez Hermès. Elle a déjà fait beaucoup de choses avec du crocodile, le découpant généralement en forme de t-shirt skinny, ce qui en fait un quotidien extraordinaire. Ceux qui sont réputés se vendre à un pourcentage insensé, peut-être parce qu'ils en ont fait une poignée, se vendant au détail plusieurs dizaines de milliers de dollars chacun. Néanmoins, il est emblématique de la démarche d'Hermès. Les cols ras du cou métaphoriques croco d'aujourd'hui étaient une série de costumes noirs et de tricots assortis de variations tonales du motif Virages d'Hermès. Virages se traduit par "Bends", une description du motif ondulant de ladite soie.
Cela m'a fait penser à la façon dont Hermès a modifié notre perception du luxe aujourd'hui. Le luxe moderne, chez Hermès, est une transmogrification du vestiaire quotidien en idéal. Qu'est-ce qui peut vous inciter à acheter ? C'est particulièrement évident dans la mode masculine, où Nichanian se contente d'être calme, voire retenu. Il y a rarement de grands thèmes ou déclarations sur sa piste: "Pure black" était l'une de ses idées, comme dans le costume susmentionné qui a clôturé le spectacle. A l'inverse, les « vibrations de couleurs » en étaient une autre, comme les contrastes de nuances sur les foulards en soie Hermès (beaucoup de mannequins en portaient). Ces idéaux opposés, naturellement, mènent à un sac mélangé. Ils se sentaient comme des mots apposés pour justifier quelque chose qui n'avait en fait besoin d'aucune justification. Ce spectacle était embrouillé, ce qui est à peu près à quoi ressemble le placard de tout le monde aussi. Nichanian a fait un jean skinny, en gabardine stretch kaki ; elle a fait un pull ras du cou, dans un cachemire extra-fin turquoise lapis ; elle a coupé un caban en ours en peluche – un bébé agneau tout doux. Elle a également appliqué des sacs Bolide avec une gueule béante de requin. Incongru, c'est le moins qu'on puisse dire.
Un modèle portait une Apple Watch, celle qu'ils ont créée en collaboration avec Hermès, évidemment. Elle était à moitié cachée sous le revers de son très gros pull en laine de cachemire très rose. Ce n'était pas voyant. Ni l'un ni l'autre, en fait, ne l'était le pull. De nombreuses baskets arborées, flashées de bandes plus rapides d'orange vif Hermès, avec des costumes et des tenues décontractées. La plupart des mannequins avaient les mains enfoncées dans leurs poches, se promenant avec désinvolture. Ressemblant à – et, peut-être, portant – un million de dollars.